19 Février 2025
N° 568. Les paroles résonnent comme une confession murmurée dans l’obscurité. Le "danseur" ici se dérobe sans cesse, insaisissable, toujours en mouvement. Une tension sacrificielle affleure—on sent que la narratrice offrirait tout : corps, âme, souffle—pour une caresse, un regard, un instant de possession. Pourtant, le danseur continue sa course, indifférent, éthéré, divin.
* Traduction en français
2* Commentaire en français
3* Comment in English
4* Original song text
5* PJ Harvey versions
6* Reprises / Covers
1* Traduction en français
Ma traduction en français des paroles de la chanson :
My French translation of the song's lyrics :
PJ Harvey - The Dancer
Il arriva au galop, tel un phénix surgissant des flammes
Il vint vêtu de noir, portant une croix gravée à mon nom
Il vint baigné de lumière de splendeur et de gloire
Je n’en reviens pas de ce que le Seigneur m’a enfin envoyé
Il dit : Danse pour moi, gentille petite fille
Il dit : Ris un instant, je saurai réchauffer ton cœur
Il dit : Envole-toi avec moi, touche le visage du vrai Dieu
Puis pleure de joie à l’intensité de mon amour
Car j’ai prié des jours, j’ai prié des nuits
Suppliant le Seigneur de m’envoyer un signe
J’ai cherché longtemps, j’ai cherché au loin
Pour apaiser mon cœur noir et vide
Ah, ah, ah, ah, ah, ah, aaaaaah !
Mon amour durera jusqu’à ce que la rivière tarisse
Mon amour dure tant que brillent soleil et ciel d'azur
Je l’aime davantage à chaque maudit jour qui passe
Mon homme est parti, et seul le ciel sait où il est
Car j’ai pleuré des jours, j’ai pleuré des nuits
Suppliant le Seigneur de m’envoyer un signe
Est-il proche ? est-il loin ?
Apporte la paix à mon cœur noir et vide
Adieu jour, adieu nuit
Ô Seigneur, sois près de moi ce soir
Est-il proche ? est-il loin ?
Apporte la paix à mon cœur noir et vide.
2* Commentaire en français
"The Dancer" est une invocation qui brûle lentement—moitié incantation, moitié lamentation. Parue en 1995, la chanson naît de la collaboration entre PJ Harvey, le producteur Flood et le multi-instrumentiste John Parish. Leur touche est discrète mais profonde : les lignes de guitare fluide de Parish et les textures musicales de Flood ouvrent un espace hypnotique où la voix de Harvey flotte — voix pleine de désir, retenue, et finalement obsédante. Ce dernier morceau de l’album To Bring You My Love ne clôt pas le disque tant il le laisse plutôt dériver dans l’éther, irrésolu, douloureusement suspendu.
Harvey adopte ici une voix bien différente de l’intensité brute de ses débuts, glissant vers une performance plus théâtrale, presque rituelle. "The Dancer" incarne cette métamorphose. La chanson, dépouillée mais riche en évocations, avance au rythme d’un battement de cœur qui s’affaiblit à chaque mesure. L’arrangement efface tout superflu, ne laissant subsister que le désir et le silence qui suit la passion inassouvie.
Les paroles résonnent comme une confession murmurée dans l’obscurité. Le "danseur" ici se dérobe sans cesse, insaisissable, toujours en mouvement. Une tension sacrificielle affleure—on sent que la narratrice offrirait tout : corps, âme, souffle—pour une caresse, un regard, un instant de possession. Pourtant, le danseur continue sa course, indifférent, éthéré, divin.
L’imagerie religieuse qui tisse l’ensemble de l’album atteint ici son apogée. Le danseur pourrait incarner Dieu, une figure salvatrice, ou la promesse d’une transcendance. Dans ces vers transparaît une dévotion, mais aussi une profonde désespérance. Ce désir n’est pas seulement romantique : il est existentiel. C’est la douleur d’une âme tendue vers l’infini, vers une pureté inaccessible, consciente de ne jamais pouvoir la saisir. La danse est éternelle ; l’observatrice demeure immobile.
L’inspiration de PJ Harvey pour cet album—nourrie d’intensité personnelle et de motifs bibliques—trouve ici un écho d’une clarté singulière. Il y a quelque chose de liturgique dans la répétition, dans la montée sonore qui ne se résout jamais tout à fait. C’est la voix des prières sans réponse, de l’amour offert au vide. Le danseur poursuit sa route. La chanson s’achève. Et la douleur persiste.